Un mois, un garage, par le CESCQUAL

Le garage de la Concorde à Toulouse, par le Docteur Estipallas

Je laisse la parole au Docteur Estipallas qui s'exprime habituellement sur l'une des tribunes de son "Pallas Club de France", sur ce lien.

Ecoutons-le.

Dr Danche.

 

Introduction
Au terme d’incroyables péripéties, voici donc le Docteur Estipallas, baron provincial de la Citroën, reconverti en misérable pigiste du CESCQUAL. Mais le Docteur ne se laisse pas abattre et compte bien profiter de cette condition peu enviable pour donner une bonne leçon à l’élite parisienne.
Tenez par exemple : n’en avez-vous pas assez de la rubrique « Garage » du Docteur Danche ? Une carte postale mitée, une photo moderne et hop, voilà une rubrique alimentée à peu de frais… Non vraiment, tout ceci n’est pas bien sérieux, jamais le Pallas Club de France n’oserait traiter ainsi ses lecteurs. Justement, et si nous faisions parler les Archives du Grenier ?  

La Génèse
En 1954, Citroën recherche un nouvel emplacement pour sa succursale Toulousaine et choisit une architecture originale : un bâtiment intégrant le garage et les bureaux dans ses étages inférieurs et d’où émerge sur une petite partie de la surface, une haute barre d’habitations collectives.
L’édifice se situe à l’angle du Boulevard d’Arcole et de la rue de la Concorde : La localisation dans un quartier résidentiel, un peu excentré des zones commerçantes, peut surprendre, mais il est vrai que l’artère est passante.
« La Vérité est dans les archives ! » (Docteur Estipallas, 2013).

Basons donc notre approche sur un document exceptionnel issu du Grenier : les plans originaux du garage, datés de 1954. Comme on le découvre, l’architecture globale, résolument contemporaine, fait preuve d’un standing certain, par exemple dans le dessin des piliers. Mais curieusement, la vraie originalité de l’ensemble n’est visible ni sur les plans, ni de la rue : elle réside dans la voute du garage qui a incontestablement inspiré l’Opéra de Sydney. Enfin, c’est ce que j’affirme.

 
La Construction de la nouvelle succursale est illustrée dans le Bulletin Citroën de Juillet 1959 qui nous permet de découvrir l’admirable voute. Un an plus tard, la succursale, cette fois achevée, est à nouveau à l’honneur dans le bulletin de Juillet 1960.  

Les DS Contrôle trônent dans les vitrines du boulevard, mais on peut reprocher au magasin d’être sombre et peu visible.

La vue intérieure, par contre, dégage une modernité irrésistible : Comment ne pas s’imaginer patienter dans un grand fauteuil la fin de la révision de sa DS19 ? Moi, j’en aurais profité pour chiper un cendrier à chevrons, un stylo Citroën et deux valises de catalogues – mais on ne se refait pas.

 

Dans les années 70, changement d’époque, on cherche des locaux vastes, lumineux, entourés de vastes zones de stationnement.

les concessions automobiles toulousaines se regroupent en périphérie de ville, barrière de Paris. La succursale Citroën suit le mouvement et transfère dans un premier temps ses ateliers dans de nouvelles installations situées au 138 Avenue de Fronton tout en conservant son siège rue de la Concorde.

Au cours des années 90 elle déménage tout près de là au 142 Avenue des Etats-Unis où elle se trouve aujourd’hui.

Que devient alors l’immeuble Citroën de la rue de la Concorde ? 

(celui avec le toit noir)

 

Pour se rendre à son lycée, le jeune Estipallas passait chaque jour devant un immeuble sombre, d’aspect lugubre derrière son rideau de platanes. Il faut dire que l’endroit réveillait chez lui de  terribles révulsions : LE MAGASIN DE SPORT, ce lieu honnis où il était contraint de se rendre une fois l’an pour acheter le survêtement en nylon et la paire de nastases qui allaient lui faire perdre toute dignité durant les cours d’EPS.
Ah, l’ignorance insouciante de la jeunesse ! Combien de fois suis-je passé devant cet endroit sans imaginer que je frôlais le cœur Citroëniste de la ville rose dans les années 60 !
Alors faut-il préserver l’édifice ou au contraire le détruire ? Le préserver bien sûr, et par pitié, le libérer de la présence des sportifs du dimanche, de leur odeur de transpiration et leurs tenues grotesques !

 

 

 

Enfin, l'architecte du Pallas Club de France nous écrit ceci:

"Élaboré à partir de 1955 et achevé en 1957, cet imposant bâtiment est l'un des premiers ensemble architecturaux de standing de la ville. Il repose sur un programme complexe : les logements, les bureaux et commerces furent conçus par les Ateliers des Architectes Associés tandis que le garage Citroën fut confié à l'architecte indépendant Paul de Noyers. Ces architectes ont d'ailleurs réalisés à Toulouse la cité Amouroux, le monument de la résistance ou la caserne des pompiers, "caserne Vion". C'était le cabinet architectural du moment à Toulouse. Paul de Noyers conçut en son nom propre la Banque Courtois, le CHU de Rangueil, la fac de droit, le Monoprix ou l'Arsenal.

Du point de vue morphologique, l'immeuble se caractérise par un alignement sur rue pour le rez-de-chaussée et les étages de bureaux, d'où émerge en retrait et décalée une haute barre développant les étages courants de logements. Les appartements sont toujours tendances et très agréables. Je t'encourage à aller dans le parking, tu verras, on voit bien le toit "puits de lumière au dernier étage."

Dr Estipallas, Septembre 2013.

 

 

L'avis du Cescqual

L'avis du Docteur Danche

Le terme "carte postale mitée", employé par le Dr Estipallas au début de son article, pourrait faire penser à une rivalité, une déclaration d'hostilité envers moi, voire une proposition de concours de celui qui a la plus grosse mite.

Mais rassurez-vous, il n'en est rien.

En réalité, par l'emploi du mot "mite", Estipallas nous prend juste à témoin de sa phobie des divers acariens et teignes qui peuplent son peu salubre "Grenier".
« La Sérénité est dans la naphtaline ! » (Docteur Estipallas, 2003).

Le "grenier" étant par ailleurs une image explicite pour symboliser l'inconscient, on serait tenté de conseiller à Estipallas de doubler au plus vite le rythme de ses séances.

Quant au garage de Toulouse, je l'aime bien, typique années 50, je propose qu'on le garde.
On aurait aimé une iconographie plus riche, et un texte avec plus de souffle, mais cette première "leçon à l'élite parisienne" est un bon début.

13/20.

 

L'avis de Régis

Mais pour qui se prend ce nouveau contributeur de cette page mondialement connue du NuancierDS? C'est vrai que Danche avait lancé un appel à idées, et nous voilà comblé avec l'intervention de Mr Estipallas (je refuse les termes de Dr et Pr qui reviennent uniquement à certains membres éminents du Cescqual); car attention, maitrisons l'histoire de l'architecture et des techniques avant de se donner des titres.
En tout cas, voici un bâtiment très intéressant de Toulouse (to loose, vous avez dit?); les quelques plans et photos de construction sont bien caractéristiques des années 50, et démontrent un bel art de bâtir encore bien présent chez Citroën à l'époque Michelin.

Mon attention est immédiatement portée vers la couverture très belle, technique et traditionnelle de l'après guerre. Après avoir maitrisé le béton, puis le béton pré-contraint, puis le voile béton décliné en voute, cône ou hyperbole, l'exemple proposée est assez couramment utilisé dans l'architecture industrielle de l'après guerre: les sheds conoïdes; ce système permet de couvrir de grandes surfaces avec une épaisseur très réduite, et d'apporter un éclairement (comme les traditionnels sheds d'usines avec la partie vitrée au nord, d'où une douce lumière...); à comparer avec les très beaux exemples de grandes dimensions comme le magasin général SNCF de St Pierre des Corps ou la compagnie nationale des radiateurs à Aulnay, ou la Halle Freyssinet (du nom de son ingénieur béton) à Paris.

La façade a finalement peu été modifiée: lorsque on regarde à l'arrière du bâtiment, dans la petite rue de moindre intérêt (rue Quéven), on voit les façades presque dans leur état d'origine, avec les panneaux en gravillons lavés; les bétons sont d'ailleurs en mauvais état, mais tout est là, et c'est vraiment rare.
J'aimerais bien une photo de l'intérieur de la nef, pour voir le rendu de la lumière, et avec une DS19 de couleur rouge cornaline, ce serait sûrement très beau, mais est-ce que nos amis du sud se rendent encore en ville de temps en temps...? Je comprends aussi que dans ce lieu,  l'odeur du sportif vous indispose (nous sommes d'accord sur ce point!!), car je préfère aussi la douce odeur de l'huile et de l'essence...
Je garde ce garage, bien évidement, et je pense même qu'il mériterait une protection monument historique, sinon au moins le Label XXème...

 

L'avis de Jérome

les garages après-guerre ne m'intéressent que très peu et celui de Monsieur HélasPastis n'a que peu d'intérêt. Les façades n'identifient pas un garage, mais un immeuble sans personnalité. Cet immeuble années 50 est juste une pauvre redite des théories de Le Corbusier, dans lesquelles sont encore englués certains architectes contemporains. La voûte ? Enfin les morceaux de voûte ? Ici à paris nous avons, de la même époque, le CNIT de la Défense et c'est autre chose croyez moi ! Si on garde ce garage? Je m'en fous ! Je trouve en revanche les plans originaux très intéressants, avec de beaux lettrages presque années 30: on les garde.

Et comme toujours, Régis exagère, un classement monument historique ? !?

Ce garage a si peu d'intérêt, en tout cas rien d'emblématique, à tel point que la communication Citroën ne l'utilise même pas sur son porte-clef, que je trouve quant à lui très intéressant et que je garde. Je propose d'ailleurs un classement MH de ce porte-clef, et nul doute que Régis de la DRAC y répondra favorablement.

 

L'avis d'Ivan

Vous savez, je m'en bats l'oeil de tout ça.

 

Verdict du Cescqual: que faut-il faire de ce bâtiment?

Allez, on le garde, ainsi que les plans et le porte-clé.
Estipallas, merci de nous envoyer tout ça en poste restante.